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Radio-Canada et pratiques monopolistiques ?

Écrit le 17/01/2006 @ 19:28 par Nick

Entertainement - RadioCertaines personnes s'inquiètent à propos de l'intégrité de Radio-Canada car elle ne respecterait pas son mandat d'être une radio ouverte au plus de point de vue possible.

Voici donc un texte discutant du congédiement de François Parenteau et des liens entre Radio-Canada et La Presse.

Le congédiement de François Parenteau - L'hypocrisie de Radio-Canada

Jacques Keable
Montréal

Édition du mardi 10 janvier 2006


Radio-Canada a congédié François Parenteau jeudi 15 décembre 2005, après huit ans d'humour à l'émission radiophonique hebdomadaire Samedi et rien d'autre. Motif: «La radio de Radio-Canada favorise la diversité d'opinions et non le monopole de l'opinion», explique la directrice générale des communications, Guylaine Bergeron. (Le Devoir, 20 décembre 2005).

Ce faisant, Radio-Canada tente un tour de magie qui ne trompera que les naïfs : non seulement Radio-Canada ne casse pas le «monopole», mais, en réalité, elle le renforce, puisqu'elle réduit au silence l'une des rares voix marginales entendues sur ses ondes !...

Au profit de qui ? De la voix de ce qu'il faut bien appeler l'establishment canadien, modulée notamment par l'un de ses fleurons, le groupe Desmarais-Power Corp, par l'entremise des éditorialistes, omniprésents sur les ondes publiques, du quotidien La Presse, lié à Radio-Canada par une entente au contenu toujours secret.

Une logique trompeuse

Pour peu qu'on s'y arrête, l'argument du «monopole», avancé par Radio-Canada contre Parenteau, ne tient pas la route : c'est Radio-Canada elle-même qui, il y a... huit ans, a embauché un -- pas deux -- un seul humoriste, pour Samedi et rien d'autre. Cette décision unilatérale de Radio-Canada plaçait donc cet humoriste en situation de «monopole» dans cette émission ! Et comme ledit humoriste ne peut être en même temps lui-même et son contraire, il émet une opinion et non une «diversité d'opinions», ce qu'on semble aujourd'hui, absurdement, lui reprocher ! L'humour, sauf erreur, ça n'est pas l'incohérence, ni la démence !

On pourrait peut-être imaginer que la direction de Radio-Canada a plutôt voulu dire que Parenteau était, dans l'ensemble de la programmation de Radio-Canada, et pas seulement à Samedi et rien d'autre, en situation de «monopole» étant donné qu'il était le seul à exprimer les opinions qu'il émettait. Dans pareille hypothèse, ne devrait-on pas penser que Parenteau, avec son billet hebdomadaire de trois minutes, était moins en situation de monopole qu'en situation de dangereuse marginalité ? La preuve ? On l'a mis à la porte sans que cela fasse, hélas, grand bruit.

Éditorial et pamphlétaire

«Malheureusement, soutient encore Mme Bergeron de Radio-Canada, le style de M. Parenteau était éditorial et pamphlétaire et on a dû mettre fin à son contrat.» Cet argument a aussi été avancé par Alain Saulnier, directeur général de l'information à la radio de Radio-Canada, à l'émission Maisonneuve à l'écoute.

Ici, les jésuites laïcs qui dirigent Radio-Canada improvisent et se contredisent dans leurs casuistiques opportunes. Ainsi, à Radio-Canada, la règle générale veut que seules les émissions d'information et d'affaires publiques soient astreintes à «tendre à l'objectivité», pour reprendre les mots de Mario Clément, directeur des programmes de la télévision. Justifiant la nouvelle série Fric Show, M. Clément déclare ceci : «il s'agit d'une émission engagée. [...] Nous voulons donner une opinion, et il est important qu'à la télévision publique il puisse y avoir un parti pris». (Le Devoir, Agenda, 31 décembre 2005). Il faut logiquement en déduire que Samedi et rien d'autre, n'étant pas une émission d'affaires publiques, aurait droit, elle aussi, d'être «engagée»...

Tiens donc ! La même boîte condamne l'absence de «diversité d'opinions» et le ton «éditorial et pamphlétaire» dans un cas et, dans un second cas identique, louange l'expression d'«une opinion», et même d'«un parti pris» !... C'est à n'y rien comprendre !

La froide et triste réalité est que le congédiement de Parenteau est un geste pur et simple de censure. Ce congédiement-censure est aussi sans gloire : Parenteau est un humoriste brillant, critique social parfois acéré, dont le propos est volontiers décapant, mais il est aussi un pigiste, donc facile à mettre à la porte ! Enfin, cette censure est hypocrite : en congédiant Parenteau, c'est la fameuse «diversité d'opinions» dont elle se vante qu'elle congédie. Et cela, au profit du «monopole» qu'elle prétend pourfendre !

Car enfin, qui donc, désormais, sur les ondes de Radio-Canada, nous livrera le contenu parfois corrosif et drôle de Parenteau ? Qui donc osera chanter -- eh ! oui, cela lui arrivait ! -- à sa place ? On ne le sait malheureusement que trop : ce seront les Mario Roy des environs qui viendront distiller, sur les ondes publiques, cette «diversité d'opinions» (sic), singulièrement conçue notamment dans les officines de La Presse.

La Presse : l'entente secrète

On comprendra mieux, en effet, la portée de la récente censure si on se rappelle que, depuis 2001, une entente particulière lie Radio-Canada et le quotidien La Presse. Comme Radio-Canada échappe à la loi d'accès à l'information et refuse obstinément de dévoiler le contenu de cette entente, nous en sommes réduits à imaginer à partir de ce que l'on voit et entend sur les ondes.

Jusqu'à ce jour, en réponse aux questions relatives à cette entente, Radio-Canada renvoie à un communiqué vague à souhait, diffusé le 19 janvier 2001. Retenons de ce communiqué cette déclaration du président de La Presse, M. Guy Crevier : «Avec cette entente, nous profiterons de nombreux avantages reliés à notre complémentarité avec Radio-Canada dans un environnement de convergence des médias...» Sans autres précisions.

On sait toutefois, bien sûr, que le pompeux Gala annuel dit de l'Excellence (sic) fait partie de l'entente, de même sans doute que l'interview systématique du lundi matin, avec «la personnalité» de la semaine, choisie par La Presse, mais il y a plus et beaucoup plus important, de toute évidence. Comment, par exemple, ne pas constater que les ondes de Radio-Canada, notamment à la radio, sont très largement envahies par les éditorialistes et chroniqueurs de La Presse ? Simple hasard ? On répliquera que des éditorialistes d'autres journaux sont aussi invités, mais à quelle fréquence et dans quelles conditions ? [..]

L'orientation idéologique

Qu'y a-t-il donc de gênant ou d'incorrect à se faire servir sans arrêt la meute des éditorialistes de La Presse ? Ceci : l'article 7.10 de la convention collective en vigueur à La Presse : «a) Les commentaires, analyses, chroniques [...] ne doivent pas être hostiles au journal La Presse. b) Les éditoriaux ne doivent pas être hostiles au journal La Presse ni à son orientation idéologique.»

L'orientation idéologique de La Presse est celle de son propriétaire, en l'occurrence le Groupe Paul Desmarais et la multinationale Power Corporation aux très nombreuses filiales dans de multiples secteurs d'activités financières, médiatiques et industrielles, aux quatre coins de la planète. Les éditorialistes de La Presse y sont assujettis. Quand Radio-Canada leur ouvre ses micros, elle donne donc la parole à des individus à la pensée pour le moins encadrée et qui ne peuvent publiquement critiquer, remettre en question ou contester un point de vue cautionné par Desmarais-Power, à moins de renoncer à leur emploi et au salaire non négligeable qui vient avec. Ainsi, à titre d'exemple, tous et toutes défendront un point de vue fédéraliste, le libre marché, la mondialisation en cours, l'ordre social en place...

Aucun de ces nombreux éditorialistes de La Presse ne saurait se permettre de tenir publiquement les propos que tenait François Parenteau en ondes. Or, c'est la voix de Parenteau, seule et unique voix discordante, qui avait en outre la délicatesse de nous faire rigoler, que Radio-Canada a décidé de faire taire, dans sa lutte contre le... «monopole» de l'opinion !

La pensée unique n'est décidément pas là où on pense. La rectitude politique non plus. Toutes deux logent, confortablement, dans les bureaux de Radio-Canada et de La Presse, pour leur plus grand déshonneur et à nos dépens.

Par solidarité, Christian Vanasse, un collègue de Parenteau, a renoncé à un contrat qu'il avait, à l'émission Indicatif présent. Ce geste honorable semble bien isolé. À vrai dire, le peu d'émoi public soulevé à ce jour par l'évident geste de censure de Radio-Canada, y compris au sein de la «profession», est assez dérangeant... Surtout quand on songe que Reporters sans frontières, debout sur ses ergots, n'avait pas hésité un seul instant, il y a peu, à se porter à la défense de Jeff Filion et de CHOI... Troublant !



Dernière modification le 17/01/2006 @ 19:28 par Nick

Commentaire par Drizzt  Score: 2
Écrit le: 18/01/2006 @ 09:58

Bizarre... et très intéressant!

La question est : "Est-ce que Radio-Cadenas va étouffer l'affaire, ou y aura-t-il point de presse officiel ou whatever?"

Commentaire par Nick  Score: 2
Écrit le: 24/01/2006 @ 20:51

Commentaire de Biz membre de Loco Locass.

8 janvier 2006
La censure pour Parenteau

François Parenteau vient de perdre son emploi. Vous le connaissez sûrement, c'est le Zapartiste qui imite magistralement Jean Charest dans Libérez-nous des libéraux. Le type travaillait à Radi-Ô-Canada comme chroniqueur à l'émission de Joël LeBigot. Il y a quelques semaines, on l'a remercié (quel euphémisme) de ses services sans préavis. En pleine campagne électorale fédérale, la société d'État l'a mis hors d'état de nuire à cause de ses idées politiques. Comme par hasard, il avait varlopé Paul Martin la semaine précédente. Évidemment, selon le directeur de l'information, ça n'a rien à voir avec la politique. Il reprochait à Parenteau d'avoir des opinions et Radi-Ô-Canada n'est pas une radio d'opinion, qu'on se le dise. Bien sûr, lorsque le chroniqueur culinaire de LeBigot avoue préférer l'huile d'olive du sud de l'Italie, il n'émet pas une opinion, il propose une préférence. Lorsque, sur les ondes de CBC, Don Cherry prétend que les joueurs de hockey francophones sont des moumounes à visière, ce n'est pas une opinion, ce sont évidemment des faits irréfutables, appuyés par les études du chevalier Mailloux.

Qu'on arrête de nous prendre pour des bozos : des opinions, Bazzo et LeBigot en émettent à tire-larigot et ça ne dérange personne, c'est même pour ça qu'on les aime. François Parenteau a été congédié à cause de ses idées souverainistes, tout simplement. Ça s'appelle de la censure et ce n'est pas nouveau, parlez-en à Normand Lester. Le problème avec la censure, c'est qu'elle ne se nomme jamais comme telle et que ceux qui en sont victimes ne peuvent pas l'affirmer, sous peine d'être taxés de paranoïaques.

Ce qui me tue dans l'histoire, ce n'est pas tant le congédiement de Parenteau mais l'explication hypocrite qu'on en donne. Le Canada mène une guerre contre les séparatistes et quand il s'agit d'unité nationale, la fin justifie les moyens. Chrétien et Guité l'ont dit texto et, curieusement, Jean Lapierre ne s'en est jamais formalisé. En tant qu'organe fédéral, Radi-Ô-Canada devrait reconnaître que son rôle n'est pas neutre dans cette guerre. Et si la radio d'État veut éradiquer de ses rangs tous les souverainistes, qu'elle le dise et surtout, qu'elle cesse de se nourrir avec nos taxes et nos impôts. No taxation, without representation.

En ce moment, le Canada craint pour son intégrité et sa survie. On ne mesure pas l'impact de l'anémique victoire du NON chez nos voisins Canadiens. Ils ont non seulement peur, ils sont désemparés, car depuis la mort de Trudeau, ils n'ont plus de voix. Où sont les artistes, les intellectuels, les communicateurs et les politiciens éloquents pour convaincre les Québécois de la pertinence du Canada ? Devant ce silence assourdissant, il ne reste aux fédéralistes que des tactiques sournoises, souterraines et déloyales.

À l'aune du vol de la liste des membres du PQ en 76 par la GRC, de la naturalisation express des immigrants à la veille du référendum, du financement illimité du camp du NON et de l'ampleur du scandale des commandites, le licenciement de Parenteau c'est de la petite Molson Canadian. Mais c'est toujours la même logique de tricheurs désespérés. Ces mêmes tricheurs qui exigent du projet souverainiste qu'il soit parfait, immaculé et sans faille pour en reconnaître la légitimité.

Contre des tricheurs milliardaires et omnipotents, le camp souverainiste n'a que sa voix pour porter son projet. Sans argent et sans véritable institution, l'idée de la souveraineté vit à travers ceux d'entre nous qui la propageons par la parole. Ils ont des millions, mais nous avons des chansons. Nos moyens sont plus humbles mais notre force est multiple.

La voix de Parenteau était nuisible, on l'a fait taire. Par solidarité, son collègue Zapartiste Christian Vanasse a eu le courage de démissionner de sa chronique à Bazzo. Admirable de droiture. Quant à nous tous qui partageons cette indignation, nous pouvons élever la voix. Faisons savoir sur toutes les tribunes que la censure existe dans le plussss meilleur pays du monde et appuyons les Zapartistes. La bonne nouvelle, c'est qu'ils auront plus de temps pour nous faire rire et réfléchir… ailleurs qu'à Radi-Ô-Canada, bien sûr.

À la prochaine fois…
Biz


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